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Poésie

Extraits littéraires

30 poèmes de styles divers,

classique, néo-classique et en prose poétique

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Portrait d’Bruno

 

Ce texte lipogramme (*) dont l'indice de la lettre manquante est dans le titre, a reçu le Prix Spécial du Jury lors des Flammes Vives de la Poésie 2007 section textes en prose. Il est proposé ici dans l’intégralité du texte.

Le prénom du caractère a été changé après le décès de mon époux Bruno, à qui ce texte est aujourd'hui dédié. Il a été publié en 2007 par les éditions Flammes Vives, sous son titre antérieur Portrait d'Raoul.

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PORTRAIT D'BRUNO ©

 

Du fond du vallon blanc, nous scrutions l’horizon où l’ami Bruno disparut un jour. Un soir, avant, il nous avait dit qu’il partirait avant la saison du froid, qu’il aspirait à un climat plus doux, un air plus vif, plus franc.

 

Bruno aimait l’abricot mûr, l’acacia flamboyant, l’azur d’or d’un vivant juin, la maison d’un ami sûr, la soif d’absolu, l’art abstrait d’un Picasso, la chanson du sous-bois, l’attrait d’un papillon balbutiant, un muscat confit sous un riant Midi, un vin noir rougi à blanc sous un pays brûlant. Il fumait du tabac blond.

 

Il dormait quand il pouvait, dans un hamac jauni, parmi du jonc miroitant son or brun aux marais profonds, sans frisson lourd, sans tracas pour nos disparus, un gamin surpris par la nuit ! Parfois il arrivait jusqu’au bord du matin sans dormir, passant sa nuit sur un bouquin, son inspiration voguant sur l’ondulation d’un flot murmurant dans son for, sourd aux bruits, au fracas mais vigilant au chant, aux accords, aux voix du courant avant qu’il ait disparu.

 

Donc, un matin gris d’un jour frugal obscurci par un crachin mouillant, sous un vilain brouillard, il avait fui loin d’ici sans un mot. Baladin sans abri, il avança d'abord d’un pas constant, poursuivant jours sur nuits, nuits sur jours, un sillon austral toujours plus hardi. Il navigua sur maints flots, voguant sur un miroir horizontal, s’affranchissant partout où il allait, vagabond dansant parfois au son d’un flûtiau au bois clair, la faim au flanc, arc-boutant sa vision, brisant la nuit, triomphant du chaos noir tout autour. Sa disposition à un moral d’or faisait qu’il pouvait parcourir vals profonds jusqu’aux plus hauts monts, sans jamais faillir un instant.

 

Ainsi donc il allait, tournant son front clair aux matins grisants.

 

Un soir parfait où pointait un halo pur, sur un pan du mont qu’il gravissait, il trouva un lotus blanc. Quand il parvint au pic miroitant l’infini, las dans son corps mais non amoindri dans son for d’un combat qui fut long, il fut saisi par l’horizon qui pâlissait au couchant. Il avait abouti à un pays chaud où un vibrato fit alors irruption dans l’air. Un chant illumina sa vision. Il comprit soudain qu’on pouvait tout franchir, tous pays, tous lointains mais aussi tous instants, tous plans. Dans son for, un pays s’ouvrait, grand, puissant, sous un infini triomphant.

 

Alors qu’un flot noir mordait la nuit, un cosmos scintillant surgit, inondant aux plus profonds horizons, son trait d’or sillonnant sur fond d’indigo. Dans sa soif d’un chant plus pur, Bruno but un rayon d’or vivant ! Circonvolant l’altiplano, un albatros spiralait tandis qu’un rossignol, sur un brin du lotus blanc, gringottait.

 

L’or du Midi montait dans un art rayonnant. Un diamant aussi pur qu’absolu offrait à la vision son cristal parfait. Sur l’air transi d’un chant d’amour, aux confins d’un pays lointain, dans l’air vivant d’un parfum lilas, sous un croissant astral au profil blanc quand la raison dort d’un loisir magistral, un instant divin illumina tout d’un accord grandissant qui fit pâlir nos rayons du jour. ©

 

 

Caroline von Ehrenberg

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(*) Un lipogramme est un texte écrit systématiquement avec l'ablation d'une lettre. Ici, C'est la lettre 'e' qui est absente.

 

AUX AUTREFOIS DE MON ENFANCE  ©

 

 

Aux autrefois de mon enfance,

L’air avait ce parfum fragile

Que portent les fleurs juvéniles

Aux frêles ans de l’insouciance.

 

C’était le temps des nougats tendres

Aux goûts pistache et chocolat ;

Parmi les branches des lilas,

L’oiseau bleu venait nous surprendre.

 

La joie habitait toute chose ;

Chants et danses portaient nos pas ;

Tu étais heureux cher Papa ;

Et toi, Maman, avec tes roses.

 

Tu vois, j’ai changé ma mémoire,

J’ai inventé un rêve bleu

Afin d’y croire encore un peu

Et d’oublier le grand dortoir

De l’orphelinat de banlieue.

​

​

Caroline von Ehrenberg

 

          Ce poème est dédié à tous les orphelins du monde

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          Il a obtenu la flamme d’or 2009 des éditions

          Flammes Vives

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EN CHERCHANT MES AILES  ©         ©                                                                                                          

 

… Et je cherche mes ailes pour voler toujours plus haut, comme l'aigle qui monte, qui spirale et qui tourne, mes ailes de vent, mes ailes d'oiseau, mes ailes de colombe, sur les ailes de ma pensée !

Alors la pensée de mon être s'élève et en même temps elle s'ancre dans mon cœur, au centre, en toute vérité. C'est là qu'elle trouve sa force, sa puissance, à l'épicentre, dans le souffle et aussi en montant : l'invincible vigueur de mon chant qui monte et qui s'épanche comme un ruisseau qui court et comme une mer qui se rassemble ; l'implacable puissance de mon cœur juste et clair, comme or inaltérable et comme pierre resplendissante !                    

 

Là dans mon cœur, je trouve enfin mes ailes !

Elles m'avaient souvent protégée en me couvrant, formes immenses, loin des regards et des dangers ; elles avaient toujours été là ! Elles m'avaient sans cesse élevée, fortes et blanches et géantes vers la lumière qui m'appelait. Quand je volais allégrement, elles me portaient facilement. Lorsqu'il fallait marcher ici, en bas, elles devenaient pesantes soudainement ; j'en trébuchais souvent.

 

Et c'est ainsi qu'en les cherchant, je trouvais - qui volaient aussi - leur plus fidèle ressemblance : Les mots !

​

…Et je cherche mes mots pour aller toujours plus haut, comme l'aigle qui monte, qui spirale et qui tourne, mes mots de vent, mes mots de plume, mes mots de paix dans la langue des oiseaux ! Alors l'oiseau de mon cœur monte, plus haut et en même temps il s'installe dans mon cœur, au centre, en toute gravité. C’est là qu’il trouve sa force et sa puissance, à l'épicentre et aussi en volant dans le vent.

 

Là, dans mon cœur, je trouve enfin mes mots, tous mes mots, et je les entends tous même le mot 'silence' ; je les prononce tous même le mot 'muet'.

 

Alors mes ailes s'ouvrent enfin dans les vents qui murmurent, mes mots me portent là où je veux aller, et je voyage là-haut par-delà les monts immaculés ; mes mots s'entendent par l'esprit de l'oiseau et je voyage là-bas jusqu'au cœur de ma sagacité.

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​

Caroline von Ehrenberg

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Extraits des recueils  suivants:

​​Le  Voyage Intérieur

 

ALORS JE PRIS MON VOL  ©

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Alors je pris mon vol, à mon âme, attaché,

Sur l'aile destinée aux gloires verticales ;

Des accords échappés remontaient s'ébaucher,

Rappelant vers mon cœur les rives boréales.

​

Ce doux lieu de voyage est une frêle escale

Et pourtant mon navire aux flots noirs arraché,

S’élance et se soulève, enlevé de rafales

D'eau, de vent et de feux aux rayons recherchés.

​

Dans l'or éclaboussé de lumière pure,

Sur le radeau des temps de divine mesure,

En alignant mon vol avec l'astre filant,

​

Je vogue l’au-delà de vastes invisibles

Afin d'approfondir l'inexorable plan

Du cœur immaculé, en terres intangibles.

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​

PERDU SUR L’OCÉAN   ©

 

 

Ma coque grelottant qui tangue et qui chavire,

Mes trois mats pantelants perdus sur l’océan,

Cadavre de sel blanc, je suis comme un navire

En l’onde noire et vide, effleurant le néant.

 

Loin des ports en exil et ce monde tangible,

Il n’existe plus rien que le bleu de mon cœur

Comme plein d’océan bercé d’indestructible

Au bord d’un nouveau jour aux plus vastes splendeurs.

 

Alors, je m’y arrête en ce port de conscience,

En cette lumière infinie où l’espoir,

Tel un feu sur les eaux, m’inonde de silence

Et, dans un fol essor, échappe au vent du soir.

 

Je vais boire l’eau vive à la source féconde,

Abandonnant enfin mes vieux chemins tracés,

Pour aller réveiller la lumière du monde

En mon cœur éclairé, sous un ciel inversé.

​

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Ô MON ÂME   ©

 

 

Ô mon âme qui vole et parfois qui retombe

En les terres de brume et ses périlleux fonds ;

Tu me rejoins aux cieux que nous philosophons,

Libre au sein du logos, oublieuse des tombes…

 

Ô ma sœur ogivale et ton aile palombe,

Vers les faîtes plus hauts, nous nous approcherons,

Et ton rayon d'argent qui touchera mon front

Abolira le temps où les saisons succombent.

 

Nous serons toutes deux, pour un trop court instant,

Pur esprit de l'amour en des chemins distants ...

 

Ô mon âme nymphale, arcane de psyché,

À l'appel des sommets de clarté virginale

Et son chant exalté, sur les hauts retranchés,

Nous serons l’Immortelle aux sources sidérales.

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​

  

​TROIS FLEURS   ©

                                  

 

Aux tréfonds de l’être où l’âme pardonne,

Renaît une Rose au velours semblant 

Et dessus mon front que l’aube couronne,

Éclot une Fleur aux pétales blancs.

                       

Au clair de lumière, enivrée et pure,

Je tombe à genoux devant l’horizon

Qui scinde un soleil en la voûte obscure

Où mon aile affleure en mes oraisons.

 

Aux sources versant leurs limpides ondes

Au cœur de l’amour, d’un divin accord,

Dans les cieux vivants que l’Aurore inonde,

Se pose une Étoile aux pétales d’or.

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​AINSI SONGEAIT LE BODHISATTVA   ©

 

 

« Sur le pont où je reste et me penche,

Je découvre, qui passe subtil,

Soit le fleuve avec ses longues branches,

Soit le temps qui déroule son fil.

 

Sur le temps où l’espace s’installe,

Je demeure ainsi qu’on en rêva ;

Dans l’espace où le temps fait escale,

Je m’arrête alors que tout s’en va.

 

De ce pont en forme d’arc-en-ciel,

Je contemple les jours à la ronde

Où de là, discernant l’essentiel,

Se comprend l’au-delà de ce monde.

 

Car je reste où tout passe et s’effile,

Je demeure où le temps coule et va ;

C’est en paix que je vis en mon île ! »

 

Ainsi songeait le bodhisattva.

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Sagesse des Jours

 

FILS D’AURORE   ©

 

 

Avant que le soleil se lève à l’horizon,

Quelques fils de lueur viennent tisser l’aurore

De son voile brodé d’étrange floraison

Où perles de rosée ourlent des rais encore.

 

De ce manteau léger encore impénétrable

Où la lune laissa quelques cheveux d’argent,

L’on voit de pâles nues au lacis impalpable

Échapper de la brume en rubans émergeant.

 

Filant mes songes bleus dont la mélancolie

Trame ce monde gris à l’envers du décor,

Je viens m’envelopper au jour qui se déplie

Dans cette iridescence aux fils d’argent et d’or.

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​LA GALÈRE   ©

 

                                    En hommage à Molière

 

Mais que suis-je venu faire en cette galère,

Ce bleu vaisseau flottant aux vastes océans,

Qui navigue et circule orbitant le néant,

Cette spatiale nef au centre creux, la Terre ?

 

Que suis-je venu faire ici, je le demande,

Sous le soleil levant ou le soleil couchant

Dérivant en l’obscur et ses célestes champs,

Sous la lune cyclant les eaux de contrebande ?

 

L’abyssale question circule sub-solaire

Depuis la nuit des temps jusqu’au nouveau matin ;

Que l’on ne me raconte ici de baratin

Quand je demande enfin que la cause m’éclaire !

 

Que suis-je venu donc faire sur ce plan bas

Prisonnier sous la lune, au pied de cette échelle,

Sous la voûte trouée ainsi qu’une dentelle,

Voile ou tissu d’oubli par où l’Ange tomba ?

           

Pourquoi ? Comment ? D’où vient ? Où va cette galère

Transportant son butin aux cycles des mouroirs ?

Par l’empyrée aux cieux, par les espaces noirs,

Enfin, répondez-moi, qu’y suis-je venu faire ?

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PEINTURE MATINALE   ©

           

 

De ses doigts roses, le matin,

D’un pinceau de ses rayons, peint

Le ciel, aux pêches de tes joues,

Aux bords d’un jour à l’aube floue.

 

Sur un fond couleur de tes yeux,

Il esquisse un recoin des cieux

D’où les ténèbres se reculent

Sous la touche de ses virgules.

 

Il suit la ligne de ton cou,

Jusqu’à ton front que tu secoues

D’un mouvement de rêve encore

Afin de dissiper l’aurore.

 

Son trait hésitant sous sa plume

Ébauche des fleurs qu’il parfume

De rire et de songes joyeux

Rappelés en fermant les yeux.

 

Soudain, la clarté se précise,

Les couleurs, aux cieux, sont assises :

À l’horizon d’un nouveau seuil,

Le soleil nous fait un clin d’œil !

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DAME GOUPIL   ©

 

 

« Amie agile et fine habitant sous les cieux,

belle Dame Goupil à l'esprit audacieux,

 

de ton pas assuré de prestance, et rapide,

tu vins me rencontrer, avertie, intrépide,

 

pour me parler de lieux lointains et insondables

que même nos aïeux jugeraient impensables.

 

Là, les enfants humains et ceux de ton espèce,

à l'abri des chemins, lorsque les combats cessent,

 

traquent à l'unisson en l'étrange caverne

où les secrets profonds de l'âme est la lanterne,

 

qui, les bruits des forêts murmurés en cachette,

qui, les chants mélodieux aux rimes du poète.

 

Tes yeux d'un gris foncé comme des perles noires,

miroitaient enchâssés au fond de tes mémoires.

 

J'y perçus des enjeux d'immuable espérance

où les plus courageux rêveraient de clémence.

 

Dans la nuit leste enfin, te glissas en silence

sous la voûte céleste, emportant ton errance,

 

laissant comme une trace en mon cœur envoûté :

Un soupçon de la grâce où naquit l'amitié !

 

Adieu, sauvage amie aux silencieux espoirs ;

reviens comme promis, ce n'est qu'un au revoir ! »

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LES VIEUX DES RUES  ©

 

 

Ils brûlaient des feuilles mortes

pour se réchauffer les mains

en chantant des airs anciens

pour se réchauffer le cœur.

 

Dans les villes-cités fortes,

debout ils tendaient la main

aux coins des quartiers anciens

avec un boulet au cœur.

 

Leur famille ? Elle était morte …

… souvenirs sans lendemain

clos dans un album ancien

où s’étaient figés les cœurs !…

 

Et pourtant au seuil des portes,

alors qu’ils tendaient la main

qu’évitaient les paroissiens,

c’était pour donner leur cœur !

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 Au Nom de l’Amour

La Voie du Poète, la Voix du Poète

(prose poétique)

 

​CHAQUE NOUVEAU MATIN   ©

 

 

Chaque nouveau matin les feuilles dansent

à la clarté du jour, au vent jaunies ;

chaque nouvelle nuit en conséquence,

l’obscurité les voue aux gémonies !

 

Chaque nouveau rayon que le jour lance

porte sa flèche d’or aux insomnies

où chaque voile sombre en son errance

déchire le manteau des agonies !

 

Si chaque matin neuf encor je t’aime

et que le jour nous porte en sa clarté,

chaque nuit avec toi est un poème

que nous rêvons jusqu’aux matins d’été.

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MAIS DANS TES YEUX   ©

​

 

Les cieux grisonnent sous le temps

comme tes tempes et ton front

prends des sillons, mais dans tes yeux,

… c’est le printemps qui me confond.

 

La lune blanche au jais des nuits

moutonne et c’est déjà demain

qui fuit, mais au creux de ta main,

… c’est la douceur d’un compagnon.

 

Que glissent les blondes années

et que trépassent nos aînés

défaits, mais toujours en ton cœur,

… c’est le soleil et son rayon.

 

Les flots ruissellent sous les ponts

de pierre au-dessus des récifs

comme en courant, mais en nos pleurs,

… je bois la source du pardon.

 

Blanches, que passent les nuées

et glissent de par les années

oubliées, mais au diapason,

… l’un et l’autre, nous nous avons.

 

Si en dépit de la raison

demain nous nous aimons toujours

jusqu’à jamais, c’est qu’en ton ciel,

… j’ai l’aube d'or pour horizon.

​

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SAINT VALENTIN   ©

​

 

Si je suis ton jardin enchanté,

Ta musique au langage inventé,

Tu es l’eau qui le jardin arrose,

Le Soleil et la Lune argentée

Qui l’éclairent, et l’oiseau qui s’y pose.

 

Si je suis ton calme et ta beauté,

Ta forêt de la tranquillité,

Tu es brise qui berce la rose,

Souffle d’or à l’éclat indompté

D’un printemps où renaît toute chose.

 

Si je suis ta muse en vérité,

Ton bonheur et ta félicité,

Tu es feu qui inspire ma prose

De lumière dont l’intensité

Berce l'air de ses métamorphoses.

 

Si je suis, douce complicité,

Ta chanson au ciel de liberté,

Tu es l’air de la paix virtuose

Sur ma lyre où l’immortalité

Vibre encore en nous soufflant sa gnose.

 

                              *

 

Si je suis comme un matin d’été,

Ton amour empreint d’éternité,

Tu es là sur le sentier des roses,

Qui m’attend sous l’éclat diffracté

De nos cœurs que rien ne décompose !

 

 

Les quatre premières strophes ont été écrites à raison d’une par an, pour la Saint Valentin. La dernière strophe a été écrite après la transition de mon époux.

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L’ESPOIR S’ENVOLE   ©

 

 

L’espoir s’envole avec ma plume

Et vient poser sur le papier

Sa goutte étrange qui parfume

Mon encrier.

 

Alors, le menton sur la main

Et les yeux pleins de doux mirages

Qui voguent vers les lendemains

De ton visage,

 

Doucement, comme des baisers,

Mes doigts caressent les contours

De ton visage apprivoisé,

Avec amour.

 

Et, pris en tes cheveux si doux,

Ils s’emmêlent avec bonheur

Sur ton portrait de ce mois d’août

Taché de pleurs.

 

L’espoir s’envole avec ma plume

Et vient poser sur le papier

Un signe étrange en cri posthume

Et mot dernier.

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AUX ABORDS AFFAISSÉS   ©

 

 

Aux abords affaissés des berges un peu vieilles

Qui conduisent le pas et prennent par la main,

Des flèches de clarté jonglent aux nuits vermeilles,

Perçant le voile d’eau comme un vieux parchemin.

                                  

Le miroir s’est troublé dans la grande saulaie ;

Tout au fond de mes yeux, comme un grand lac de bleu

Chasse l’illusion de ce jour qui relaie

Le hibou de la nuit aux oiseaux fabuleux.

 

L’enfant de la forêt, allant on ne sait où,

Un antique refrain aux lèvres bien apprises

Existe au fond de moi, et son sourire est doux

Qui perce la grisaille en charade insoumise.

 

La forêt se console au nouvel horizon ;

Le regret s’élucide après tant de charades

Où le langage vert fait entendre raison

À la folle nature où vivent les dryades.

 

Un parler des oiseaux fait entendre ses mots

Dans la saulaie au val des montagnes rocheuses ;

Le langage de l'arbre et ses feuilles d’ormeau

Chante ce nouveau chant aux idées amoureuses.

 

Et comme l’oasis aimée en la nature

Accueille l’oisillon caché en son sein blanc,

Mon cœur s’ouvre à ta voix sous de vivants augures

Et ma bouche et mes bras t’embrassent en tremblant.

      

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Les Demeures Oubliées

LA DANSE DE MNÉMOSYNE  ©

 

 

La nuit dans le bois sombre éclairé par la lune,

près des frênes en peine aux mémoires étales,

on pense voir glisser Mnémosyne la brune

sur la mousse, qui passe de ses pas d’opale …

 

Les fables et récits se déversant des urnes

parmi l’écho des ris hourdant les jours forclos,

roulent en la pénombre en cascades nocturnes,

avivant leurs lueurs en miroitants falots …

 

Aux griffures du temps perdu de souvenirs,

aux tréfonds de l’espoir, il perdure un lambeau

qui s’évoque et pâlit au drame d’avenir

où, dans un clair-obscur, vacillent des flambeaux …

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LES DEMAINS OUBLIÉS ©

 

 

Te souviens-tu de l’avenir

sous l’éclat de tes songes blancs

quand, sur les cordes de ma lyre,

tu viens poser ton front brûlant ?

 

Poète, dis-moi, te souviens ?

 

Nous étions – il y a longtemps –

enfants sages ou anges purs ;

était-ce dans un autre temps

qui n’existerait qu’au futur ?

 

De ces demains, te souviens-tu ?

 

Dis-moi mon Ange, mon Trésor,

évoque-moi ce présent-là

raconté de ton pinceau d’or

aux étranges flammes lilas.

 

Je t’en supplie, rappelle-moi !

 

Ouvre ce temps à ma mémoire

car je veux oublier l’oubli

qui, de la beauté, nous sépare

et sème sa mélancolie.

 

Ne suis-je ta muse à venir ?

 

Accorde-nous à ces ‘toujours’

et, viens cueillir sur mon front blanc,

poète, la vision d’amour

que nos cœurs tissent en tremblant.

 

​Dis-moi, poète, ton doux chant !

 

Je veux entendre de tes lèvres

la beauté au goût d’ambroisie

jusqu’à n’en plus pouvoir de fièvre

et sortir de cette amnésie.

 

Dévêts le voile de l’oubli !

 

Invente enfin cette caresse

aux accords encore intouchés

qui vient frôler avec ivresse

ma lyre sous tes doigts d’archer.

 

Nous sommes à demain déjà !

 

Pour l’éternité qui murmure

et pour les remparts abolis,

mon doux ami, je t’en conjure,

par nos alliances rétablies,

 

rappelle-toi de ton futur !

​

​

​

MOTIFS   ©

 

 

Sur le tissu varié du temps,

aux lointains nattages d’antan,

le souvenir garde en motifs

criards comme des chants plaintifs,

des fleurs et des ramages verts

éparpillés tout de travers

et tissés aux trames des jours

où se mêle un roman d’amour.

 

Ils nous rappellent notre enfance

aux rêves bercés d’insouciance,

où l’on dessinait des sourires,

des arcs-en-ciel et des empires

esquissés en fermant les yeux

sur un fond rouge, au crayon bleu.

 

Ils nous déballent des histoires

de princes blonds, de dames noires

où ton regard aux trames d’or,

sur fond d’azur, veut croire encore.

 

Ils s’emmitouflent de serments

déroulés délicatement

qui s’étaleraient sans façon

au tableau noir de nos leçons ;

un damas de papier jauni

qui aurait perdu son vernis.

 

​Lorsqu’aujourd’hui mes yeux s’endorment,

oublieux des traits et des formes,

et que j’appelle quelqu’image

illustrant ces lointains ramages,

je me rappelle ces antans

tissés dans le voile du temps.

​

​

​

LA MORT DU SAULE  ©

 

 

Roulement de tempête en déluge affolé,

Feuilles en avalanche et fougues en rafales !

Dans un grand craquement, branchage échevelé,

Ultime affrontement et, commotion fatale !

 

Le grand saule à présent dans la mare tombale

Gît, vieil ami rêveur aux songes éplorés ;

Renversé dans la nuit sous la pâleur hiémale,

Ses liens déchirés, livide et libéré.

 

Avant, nonchalamment honoré par les eaux

Qui venaient dérouler leurs chants mêlés de larmes

En vagues tremolos répétés par l’oiseau

Se balançant plus haut dans un joyeux vacarme,

 

Les pieds enracinés, la tête dans les pâmes,

Reliant le sol noir à l’Olympe des hauts,

Ce seigneur aux longs pleurs avait la vague à l’âme,

Des sombres souterrains à la clarté des vaux.

 

À présent résigné, paisible et récifal

Abri des poules d’eau, sous l’errement des nues,

Ayant abandonné son rêve vertical,

Repose un ami vieil, épave devenue.

 

En géant étendu dans la mare assombrie

Au milieu des canards glissant parmi des fleurs,

Ses rêves emmêlés de branches dépéries

Regagnent l’au-delà troublé de tant de pleurs.

 

Et l’on peut voir encore en l'étrange surface

D’un nuage ébauché reflété par les flots,

Dans le songe envolé qu’un souvenir déplace,

Toute une évocation, d’où s’enfuient, des sanglots.

​

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JARDIN DE MON ENFANCE Où JE VAIS REVENANT  ©

 

 

Jardin de mon enfance où je suis revenue,

à l’ombre qui s’avance à la clarté nouvelle,

tes couleurs d’autrefois qui me sont reconnues

pâlissent cependant en mon cœur qui chancelle.

 

Promenade qui tourne au chemin de l’oubli,

je me souviens encor de nos rêves de gloire

que la forêt songeuse égare en ses replis ;

où donque mènes-tu si loin de ma mémoire ?

 

Blanc cygne de jadis au regard ténébreux,

tu revins près du lac, volant à mon appel,

dans ta cape de lys, d’un essor généreux,

espérant me trouver sur les chemins usuel.

 

Rouge-gorge joyeux, ami de mes espoirs

qui venait dans ma main picorer quelque grain ;

explique-moi pourquoi tu passes sans me voir,

voletant alentour, ignorant mon chagrin !

 

Eau dessus mon visage et mes joues, qui ruisselle

et m’aveugle d’un mal inconnu qui m’étreint ;

sont-ce les doux embruns des soirs, qui s’amoncellent ?

Pourquoi ce goût salé si la mer est si loin ?              

 

À l’orée du bois sous la brume et son voile,

deux petits yeux perdus dans l’aube qui se tait,

cherchent en vain, brillant comme claires étoiles,

l’amitié d’autrefois qui nous réconfortait.              

 

Trésors de mon passé, que mon âme retrouve

pour les avoir gardés comme ultimes témoins ;

si, quand vous m’appelez, amis, et je vous trouve,

pourquoi, dites-le moi, ne me voyez-vous point ?

 

                                       *

 

Ô places tant aimées abritant ma douleur,

en cet isolement, comment suis-je venue ?

Par quel ordre puissant qui porta sa roideur,

je me retrouve errant, blanc spectre devenue ?

​

​

​

Signes des Temps

 

EST-CE UN CRI   ©

 

​

Est-ce un cri que j’entends dans l’orage du monde,

Comme un déchirement au creux des cités d’ombres ?

Sont-ce les flots qui pleurent et se perdent dans l’onde,

Palpitants sous le deuil, troublés d’images sombres ?

 

En le vent qui se plaint en naufrages hurleurs,

Est-ce un sanglot sans fin qui s’abat de douleur ?

En les cieux basculant en dérives démentes,

Est-ce un songe égaré, un remous de tourmente ?

 

-« Champignon de malheur, poussière de ravage,

Entre bras fourvoyés, qui germas dans la rage…

Va-t-en dans tes décombres, on ne veut pas te voir,

Toi qui ne nais au jour que pour le désespoir ! »

 

Dans les cieux dévastés, près d’un gouffre béant,

Un cri s’élève, pâle plainte humiliée…

Est-ce un râle, ce cri, un écho du néant,

Un souvenir errant d’une race (*) oubliée ?

_____________________

(*) Le lecteur aura compris qu’il s’agit de la race de l’humanité.

 

 

​

LA BOITE DE PANDORE   ©

 

 

J’entends comme un murmure errant au macadam,

comme un chuchotement de fantasme blafard ;

au cœur de la cité où traînent les quidams,

sous des augures gris, dans la ville sans fard,

 

quand s’ouvrent les discos aux jeux des jouvenceaux,

l’on voit en graffitis tous les mots de la terre

surgir on ne sait d’où, jouer les Picasso,

se poser sur les murs en signes pamphlétaires

 

et clamer : « Nous voici ! Nous relâchons les maux

rien qu’en les formulant, dans la matière vive ;

pour les manifester ici, les mots à maux

sont libérés partout afin qu’on les archive ! »

 

Et les infirmités du bal des débutants,

en s’archivant, s’enchaînent à nos bas rivages

en maillons d’ADN hérités des Titans,

depuis le monde ancien et, traversant les âges.

 

                                *

 

Sous les reflets de lune autant que des lampions,

tout un peuple s’endort après la nuit en boîte

et, ses songes alors, comme des papillons,

libèrent du mental maintes douleurs qui boitent.

 

Les malades ancrés aux couches de l’astral,

avec la fin des temps, guettent la délivrance ;

le passage est vacant et l’instant vespéral ;

où le cœur est ouvert, est-ce là l’espérance ?

 

La nuit pâle s'enfuit dans le petit matin,

les lieux sont désertés quand la lune s’endort ;

pourtant dans l’air subsiste un vestige certain

lorsque l’aube apparaît dans sa robe au pan d’or.

 

                                 *

 

Si les dès sont jetés avec les maux du monde

en soupirs éternels, ici dans l’illusion,

c’est qu’un espoir demeure et qu’il faut à la ronde

apprendre la leçon des autres dimensions.

 

Et si de ma cabane en béton, nous filons

un rêve rose et bleu dans la douceur du jour

tout au creux de la ville où sifflent les flonflons,

c’est que malgré les maux, il nous reste l’amour.

​

​

​

​SIGNES DES TEMPS  ©

 

 

Vois-tu le vent qui court et souffle par les combes ?

Cette sourde clameur que le néant prononce,

sais-tu où elle va, sais-tu ce qu’elle annonce ?

Regarde, est-ce une larme en la plaine, qui tombe,

 

Et vois-tu l’arbre choir en la forêt profonde

Et, dans le val obscur, le dernier vol d’arondes ?

 

Dolents et déchirants, emportés par les fleuves,

Vois-tu les giboulées en flots qui se fracassent

Des cieux lourds et grisés, dans le torrent qui passe,

S’abattant sur l’écueil comme sanglots de veuve ?

 

Dans l’espace illusoire et la nuit ténébreuse,

Un cri meurt et s’éteint en plainte douloureuse.

 

Puis d’un basculement, en plein feu de lumière,

Perçois-tu le délire issu de la pénombre ?

Est-ce un songe tricheur sur la route en décombres,

Qui titube et se meurt en cette heure dernière ?

 

Ce regard égaré, ce mirage railleur,

Sont-ce des illusions ou vérités d’ailleurs ?

​

​

​

VISION  ©

 

 

Un beau jour argenté sur la montagne haute,

Sous un soleil nouveau dans les cieux éclatés,

Quand les mondes, les jours et les temps, côte-à-côte,

Viendront se retrouver en l’instant arrêté…

 

Quand les strates du temps recouvrant les demeures

De notre vieux logos s’aligneront enfin

Devant la vérité d’un futur dont les heures,

Immolées à son seuil, rencontreront leur fin…

 

Alors en émergeant à la clarté venante,

Au sortir du sommeil, un beau matin brillant,

Nous serons libérés de l’illusion damnante

Qui berce l'inconscient et nourrit le croyant...

 

La mort ne sera plus qu’un point sans importance,

Une étoile de nuit qu’on voit naître aux confins ;

La vie restera ce grain où tout commence,

Source de connaissance et flambeau du divin…

 

Les âmes s’alignant sur les songes d’antan

Se ré-collecteront et deviendront plus fortes

Quand un jour à venir, s’évanouira le temps,

Par l’espace, englouti, entrouvrant une porte…

 

Les destins réunis composant notre histoire

S’accorderont en chœur au croisement des plans ;

Le jour triomphera des moments illusoires

Où sans fin des conflits ont accablé l’instant…

 

Nos consciences d’amour qui sillonnent les mondes

Reconnaîtront leurs frères en toutes densités ;

Nous ne ferons plus qu’Un que la Lumière inonde

Lorsqu’à la fin des temps, vaincra l’Éternité.

​

​

La Voie du Poète ... la Voix du Poète

 

Préambule – LA VOIE DU POÈTE ©

 

Le poète était arrivé à une croisée de chemins.

​

Hésitant sur la voie à suivre, il s’arrêta un instant.

 

D’un côté, s’étendait une route

infiniment longue et presque désertique,

d’où l’on ne pouvait rien discerner.

 

De l’autre côté, un jardin verdoyant se présentait,

qui pouvait aussi dissimuler des épreuves

camouflées sur une voie qu’il fallait encore deviner.

 

Et entre les deux, un banc !

 

Il alla s’asseoir sur le banc.

 

Près de lui, une plume d’oiseau attira son attention.

 

C’était une grande plume blanche

qui aurait pu appartenir à un cygne

sauf qu’un fin duvet bleu en bordait l'une des extrémités.

 

Saisi d'une curiosité extrême mêlée d’admiration

pour cette création de la nature,

il saisit la plume et l’observa, la tournant et la retournant entre ses doigts.

 

Il n’avait jamais vu une aussi belle plume, ni rien de si finement dessinée.

 

Un sentiment ancien fit surface en lui, et c'est alors qu'il perçut du côté du jardin, comme une forme qui se mouvait :

un oiseau volait vers lui !

 

​Oubliant la fatigue du chemin qu’il venait de parcourir

jusqu’à ce point de la croisée,

il leva les yeux vers le ciel.

 

 

1 - LES VOYAGES CONTEMPLATIFS DU POÈTE ©

 

Le poète regarde le vol de l'oiseau

et il voyage avec l'oiseau,

     et il apprend !

 

Le poète observe la rose

et il est transporté jusqu'en son cœur,

     et il comprend !

 

Le poète entend la pluie qui tombe

et il abandonne ses vieilles résistances,

     et il pleure !

 

Le poète se tient devant la mer immense

dont le cœur bat au rythme des marées,

     et il respire !

 

Le poète admire les vieux arbres tranquilles profondément enracinés

     et il sait !

Il rêve un peu ... mais surtout ... il sait …

il sait que lui aussi peut relier la terre aux cieux !

 

Le poète gravit les montagnes aux pieds enchaînés

et devient force immuable ancrée dans le rocher,

... pieds d'airain, tête aux nues ;

     et il s’enchaîne !

 

Le poète découvre l’étoile dans la nuit,

un voile tombe, son œil s’ouvre 

     et il s’éveille !

 

Alors le poète contemple l’œuvre de la Création,

le caractère révélateur de la Lumière porteuse de conscience…

 

Son regard témoigne de l’ordre de la nature ;

il pénètre chaque pensée qui l'habite et l’intègre ;

il s’éveille,

il perçoit,

il persiste

     et il signe!

 

Et en signant, il écrit son premier mot!

​

​

2 – L’ENVOL DU POÈTE ©

 

Le poète écrivit un deuxième mot, il en écrivit un troisième ...

et chaque mot nouveau qu'il écrivait,

il le libérait en le traçant,

- telle une bulle -

et les mots s’attachaient les uns aux autres,

- telle une chaîne - !

 

Dans les formes des mots se reliant,

le poète savait que rien ni même la Lumière

ne peut être ici bas enchaînée indéfiniment,

et que les mots seraient un jour révélés par le temps.

 

Puis lorsqu'il comprit que les mots qui enchaînent les idées

peuvent également les libérer,

le moment arriva, pour lui aussi, de la délivrance.

 

Il prit les mots, se détacha de tout le reste et il s’en fut!

 

...

​

11 - L'AMOUR DU POÈTE  ©

 

Le poète avisa une urne qui se trouvait là

et pour faire une expérience,

décida de la remplir de Lumière et de la déverser sur toute la Terre.

 

Ce qu’il fit !

 

Ce fut presque un miracle :

tout le noir s’éclaira, tout le gris devint blanc, et tout l’argent se mua en or.

 

Les eaux malades furent guéries instantanément

et, avec elles, tous les êtres qui en burent.

 

Ce fut le début d’un nouvel âge d’or.

 

Tous devinrent meilleurs, plus intelligents et en parfaite santé ;

ils furent transformés ;

chacun put rejoindre l’étage supérieur de la Tour ;

et dans l'histoire de l’humanité terrestre,

on appela ceci : l'Ascension.

 

Enfin, comme il restait une goutte au fond de l'urne, le poète en goûta.

 

C'était d’une pureté plus dense que l'eau la plus pure

et tout son être s'emplit de Lumière ;

chaque particule de son corps se métamorphosa

et, en un instant, il put voir et comprendre toute chose vivante.

 

... C'était une goutte d'Amour !

​

...

​

13 - L’ÉTOILE DU POÈTE  ©

 

Tant de belles choses s'étaient passées

depuis que le poète avait fermé les yeux pour sa méditation,

qu'il ne voulut plus les rouvrir au monde des illusions.

 

Il demeura donc les yeux fermés et le cœur ouvert

et maintes merveilles se firent connaître

et se présentèrent à son regard intérieur ...

 

Il comprit qu’il pouvait voyager dans ce monde intérieur aussi vaste que l’infini.

 

Partant des aurores boréales et des arcs-en-ciel,

il voyagea jusqu'à trouver son étoile.

 

Il avait découvert que le monde réel était intérieur

car c'était là que résidait en maître et en seigneur, le Créateur,

l'Unique dont chaque chose existante est une parcelle, un fragment.

 

Là, dans son monde intérieur, résidait le monde en sa totalité.

 

En fermant les yeux, il pouvait tout voir,

tout entendre, tout comprendre et jusqu'à toucher l'infini.

 

Devant ses yeux intérieurs, en lieu et place de l'obscurité,

il existait maintenant une grande Lumière qui illuminait tout.

 

Cette Lumière était son étoile,

son amie précieuse qui guidait ses pas et ses pensées,

ses gestes ainsi que les mots qu'il écrivait encore parfois,

de plus en plus rarement.

 

Sur son étoile,

on parlait une langue que le Créateur appelait

"l'ineffable", je crois, et qui était une sorte de langage-pensée,

une communication instantanée, donc difficile à écrire.

 

Un jour en se promenant sur son étoile,

le poète, qui habitait là dorénavant,

remarqua, à côté de sa Lumière,

une grande froidure triste et profonde.

 

Il tourna son regard de façon machinale

et alors il la vit, là, devant lui :

 

La Nuit !

​​

​

14 - LA NUIT DU POÈTE  ©

 

À la Nuit, il manquait tout :

le soleil et la lumière,

la chaleur et le rire,

la joie et l'espérance,

la connaissance et la vision,

la conscience et la création,

la sagesse et la vie,

l’amitié et surtout : l'Amour !

 

Alors, devant ce grand manque qui composait la Nuit et sa tristesse,

le poète fut pris d’une compassion profonde ;

il ouvrit les bras en croix

et fit un grand saut, se lançant dans la Nuit,

y plongeant corps et âme,

afin d'y porter son amour, sa lumière et sa vie,

afin de faire connaître celles-ci au monde de la Nuit,

à toutes les créatures et les existences de la Nuit,

afin qu'elles ne soient plus jamais oubliées

mais réunies au Créateur dans le reflet de Sa Lumière.

 

Lors, il devint l'étoile en la Nuit,

le guide en les ténèbres.

 

C’est ainsi que par ce détour il arriva sur Terre,

une nuit étoilée,

et ce fut son Service.

​

...

​

17 – LA VOIX DU POÈTE  ©

 

« Toi qui as trouvé cette Lumière qui semble encore cachée à la plupart de ceux de ton espèce, serais-tu prêt à la partager ? »  demanda l'oiseau, toujours dans sa langue.

 

« La partager comment ? Et avec qui ? »  demanda le poète.

 

« La partager dans ton langage, avec ceux qui veulent bien l’entendre. » répondit l’oiseau.

 

« Mais qui donc aujourd’hui, est prêt à l’entendre ? » demanda le poète après une pause,

«... lorsque la plupart des habitants de ce monde s'imaginent qu'ils sont supérieurs à ceux qu'ils ne connaissent pas ? »

pensa-t-il tout haut.

 

« Ha-ha-ha ! »  s'esclaffa l'oiseau, de sa voix ténue et sifflante.

« L’humanité est-elle si profondément embrumée ? »

 

Il fit une pause puis reprit :

« Est-ce pour ça que l’humanité blesse et détruit ses  jeunes frères au lieu de les protéger ?  comme une plume qui attaquerait une autre plume du même oiseau, comme une main qui attaquerait l'autre main d’un même corps, comme un doigt qui entrerait en guerre avec un autre doigt de la même main, oubliant qu'ils appartiennent à la même chair ? » continua-t-il.

« Ha-ha-ha ! » 

Il avait l'air de se moquer mais sa voix laissait percevoir une tristesse plus profonde que l’océan. Son rire fluet se noua dans sa gorge.

 

« Hélas, c’est dans la nature humaine d'oublier ... jusqu'à ce qu'elle se souvienne à nouveau, »  reprit lentement le poète. Il avait parlé doucement afin de ne brusquer personne.

« Comment faire pour que l’humanité se souvienne ? » pensa-t-il tout haut après une pause.

 

« Et si tu leur disais, tout simplement ! »

répondit l’oiseau avec une pointe d’espoir.

 

« Mais comment ? »

 

« N’es-tu pas poète ? »  siffla l’oiseau.

« Leur diras-tu ? »  s'enquit-il  à présent avec un tremblement dans la voix où se faisait sentir toute la gravité de la question.

« Qui d'autre qu'un poète saurait parler de ces choses ? »

  ...

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